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Ordonnance criminelle d'août 1670 (Titre XIII)

D’après François Serpillon, Code criminel, ou commentaire sur l’Ordonnance de 1670, Lyon, Chez les frères Perisse, 1784, vol. 1, p. 581-623.


Titre XIII. Des prisons

Art. 1
Voulons que les prisons soient sûres et disposées en sorte que la santé des prisonniers n’en puisse être altérée.

art. 2
Tous concierges et geôliers exerceront en personne, et non par aucuns commis, et sauront lire et écrire ; et dans les lieux où ils ne le savent pas, il en sera nommé d’autres, dans six semaines ; à peine contre les seigneurs de privation de leurs droits.

art 3.
Aucun huissier, sergent, archer, ou autre officier de justice, ne pourra être greffier des geôles, concierge, geôlier, ni guichetier, à peine de cent livres d’amende envers nous, et de punition corporelle, s’il y échet.

art. 4.
Enjoignons aux geôliers de donner des gages raisonnables aux guichetiers et autres personnes par eux préposés à la garde des prisonniers.

art. 5.
Il n’y aura aucun greffier de geôle dans les prisons seigneuriales ; et il n’en sera établi aucun dans les Royales.

art. 6.
Les greffiers des geôles où il y en a, ou les geôliers et concierges seront tenus d’avoir un registre relié, coté et paraphé par le juge, dans tous ses feuillets, qui seront séparés en deux colonnes, pour les écrous et recommandations, et pour les élargissements et décharges.

art. 7.
Ils auront encore un autre registre coté et paraphé aussi par le juge, pour mettre par forme d’inventaire les papiers, hardes et meubles, desquels le prisonnier aura été trouvé saisi, et dont sera dressé procès verbal par l’huissier, archer ou sergent, qui aura fait l’emprisonnement, qui sera assisté de deux témoins qui signeront avec lui son procès verbal ; et feront les papiers, hardes et meubles qui pourront servir à la preuve du procès, remis au greffe sur le champ ; et le surplus rendu à l’accusé, qui signera l’inventaire et le procès verbal ; sinon, sur l’un et sur l’autre, sera fait mention de son refus.

art. 8.
Les greffiers et geôliers ne pourront laisser aucun blanc dans leurs registres.

art. 9.
Leur défendons à peine des galères, de délivrer des écrous à des personnes qui ne seront pas actuellement prisonniers, et de faire des écrous ou décharges sur feuilles volantes, cahiers, ni autrement que sur registre côté et paraphé par le juge.

art. 10.
Leur défendons de prendre aucuns droits pour les emprisonnements, recommandations et décharges ; mais pourront seulement pour les extraits qu’ils en délivreront, recevoir ceux qui seront taxés par le juge, et qui ne pourront excéder ; savoir, en toutes nos cours et justices, dix sols, et la moitié en celle des seigneurs, sans néanmoins pourvoir augmenter les lieux où l’usage est de donner moins.

art. 11.
Les juges régleront les droits appartenants aux geôliers, greffiers et guichetiers, pour vivres, denrées, gîtes, geôlages, extraits d'élargissement ou décharges, dont sera fait un tableau qui sera posé au lieu le plus apparent de la prison, et le plus exposé à la vue.

art. 12.
Les recommandations des prisonniers seront nulles, si elles ne leur sont pas signifiées, parlant à leurs personnes, et copies baillées, dont sera fait mention dans le procès verbal de l’huissier qui fera la recommandation.

art. 13.
Les écrous et recommandations feront mention des arrêts et autres actes, en vertu desquels ils seront faits, du nom, du surnom et qualité du prisonnier, de ceux de la partie qui les fera faire, comme aussi du domicile qui sera par lui élu, au lieu où la prison est située, sous pareille peine de nullité ; et ne pourra être fait qu’un écrou, encore qu’il y ait plusieurs causes de l’emprisonnement.

art. 14.
Défendons à tous geôliers, greffiers et guichetiers, et à l’ancien des prisonniers, appelé doyen ou prévôt, sous prétexte de bienvenue, de rien prendre en argent ou vivres, quand même il serait volontairement offert, ni de cacher leurs hardes, ou les maltraiter, ou excéder, à peine de punition exemplaire.

art. 15.
Le geôlier ou greffier de la geôle sera tenu de porter incessamment, et dans les vingt-quatre heures au plus tard, à nos procureurs, ou à ceux des seigneurs, copie des écrous ou recommandations qui seront faites pour crimes.

art. 16.
Défendons aux geôliers et guichetiers de permettre la communication de quelque personne que ce soit, avec les prisonniers détenus pour crimes, avant leurs interrogatoires, et même après, s’il n’est ainsi ordonné par le juge.

art. 17.
Ne sera permise aucune communication aux prisonniers enfermés dans les cachots, ni souffert qu’il leur soit donné aucunes lettres ou billets.

art. 18.
Ne pourront aussi les prisonniers être tirés des cachots, s’il n’est ainsi ordonné par le juge ; auquel cas ils le seront incessamment, et sans user de remise par les geôliers et guichetiers, ni prendre et recevoir aucuns droits et salaires, encore même qu’ils leur fussent volontairement offerts.

art. 19.
Défendons aux geôliers de laisser vaguer les prisonniers pour dettes ou pour crimes, sous peine des galères, ni de les mettre dans les cachots, ou leur attacher les fers aux pieds, s’il n’est ainsi ordonné par mandement signé du juge ; à peine de punition exemplaire.

art. 20.
Les hommes prisonniers, et les femmes, seront mis dans des chambres séparés.

art. 21.
Enjoignons aux geôliers et guichetiers de visiter les prisonniers enfermés dans les cachots au moins une fois par chacun jour, et de donner avis à nos procureurs et à ceux des seigneurs, de ceux qui seront malades, pour être visités par les médecins et chirurgiens ordinaires des prisons, s’il y en a, sinon par ceux qui seront nommés par le juge, pour être, s’il est besoin, transférés dans les chambres ; et après leur convalescence, seront transférés dans les cachots.

art. 22.
Les geôliers et les guichetiers ne pourront recevoir des prisonniers aucune avance pour leur nourriture, gîte et geôlage ; et seront tenus de donner quittance de tout ce qui sera payé.

art. 23.
Les créanciers qui auront fait arrêter ou recommander leurs débiteurs, seront tenus de leur fournir la nourriture, suivant la taxe qui en sera faite par le juge, et contraints solidairement ; sauf leurs recours entre eux : ce que nous voulons avoir lieu à l'égard des prisonniers pour crimes, qui après le jugement, ne seront détenus que pour intérêts civils. Sera néanmoins délivré exécutoire aux créanciers et à la partie civile, pour être remboursés sur les biens du prisonnier par préférence à tous créanciers.

art. 24.
Sur deux sommations faites à différents jours aux créanciers qui seront en demeure de fournir la nourriture aux prisonniers, et trois jours après la dernière, le juge pourra ordonner son élargissement, partie présente, ou dûment appelée.

art. 25.
Les prisonniers pour crimes ne pourront prétendre d'être nourris par la partie civile ; et leur sera fourni par le geôlier, du pain, de l’eau et de la paille, suivant les règlements.

art. 26.
Celui qui sera commis par notre procureur ou ceux des seigneurs, pour fournir le pain des prisonniers, sera remboursé sur le fonds des amendes, s’il est suffisant ; sinon sur le revenu de nos domaines ; et où notre domaine se trouvera engagé, les engagistes y seront contraints ; et ailleurs, les seigneurs hauts-justiciers, même les receveurs de nos domaines, ceux des engagistes et des hauts-justiciers, respectivement, nonobstant oppositions ou appellations, prétendu manque de fonds, et paiements faits par avance, et toutes saisies ; sauf à être pourvu de fonds aux receveurs sur l’année suivante, et à faire déduction aux fermiers sur le prix de leur baux.

art. 27.
Les geôliers ne pourront vendre de la viande aux prisonniers aux jours qui sont défendus par l'église, ni permettre qu’il leur en soit apporté de dehors, même à ceux que la religion prétendue réformée, si ce n’est en cas de maladie, et par l’ordonnance de médecin.

art. 28.
Les prisonniers qui ne seront enfermés dans les cachots, pourront faire apporter du dehors les vivres, bois, charbons, et toutes choses nécessaires, sans être contraints d’en prendre des geôliers, cabaretiers, et autres ; pourra néanmoins ce qui leur sera apporté être visité, sans être diminué ni gâté.

art. 29.
Tous greffiers, même de nos cours, et ceux des seigneurs, seront tenus de prononcer aux accusés les arrêts, sentences et jugement d’absolution ou d'élargissement le même jour qu’ils auront été rendus ; et s’il n’y en a point d’appel par nos procureurs ou ceux des seigneurs dans les vingt-quatre heures, mettre les accusés hors des prisons, et l'écrire sur le registre de la geôle : comme aussi ceux qui n’auront pas été condamnés qu’en des peines et réparations pécuniaires, en consignant ès mains du greffier les sommes adjugées pour amendes, aumônes, et intérêts civils ; sans que faute de paiement des épices, ou d’avoir levé les arrêts, sentences et jugements, les prononciations ou les élargissements puissent être différés ; à peine contre le greffier d’interdiction, de trois cents livres d’amende, dépens, dommage et intérêts des parties : ne pourront néanmoins les prisonniers être élargis, s’ils sont détenus pour autres causes.

art. 30.
Ne pourront les geôliers et greffiers des geôles, guichetiers, cabaretiers, ou autres, empêcher l'élargissement des prisonniers, pour frais de nourriture, gîte, geôlage, ou aucune autre dépense.

art. 31.
Les prisonniers détenus pour dettes seront élargis du consentement des parties qui les auront fait arrêter ou recommander, passé par-devant notaire, qui sera signifié au geôlier ou greffier des geôles, sans qu’il soit besoin d’obtenir aucun jugement.

art. 32.
Le même sera observé à l'égard de ceux qui auront consigné ès mains du geôlier ou greffier de la geôle les sommes pour lesquelles ils sont détenus : voulons qu’ils soient mis hors des prisons, sans qu’il soit besoin de le faire ordonner.

art. 33.
Ne pourront les greffiers des geôles et les geôliers de nos prisons et de celles des seigneurs, prendre, ni recevoir aucuns droits de consignation ; encore qu’ils leur fussent volontairement offerts, et les deniers consignés seront délivrés entièrement aux parties, sans en rien retenir sous prétexte de droit de recette, de consignation ou de garde, ou pour épices, frais et expédition des jugements, nourriture, gîte, geôlage, et autre dépense des prisonniers, à peine de concussion.

art. 34.
Enjoignons aux lieutenants criminels et à tous autres juges, d’observer et de faire observer les règlements ci-dessus ; leur défendons d’ordonner aucun élargissement, sinon en la forme par nous prescrite, à peine d’interdiction et de tous dépens, dommages et intérêts des parties.

art. 35.
Nos procureurs et ceux des seigneurs seront tenus de visiter les prisons une fois chaque semaine, pour y recevoir les plaintes des prisonniers.

art. 36.
Les greffiers des geôles, geôliers et guichetiers seront tenus d’exécuter notre présent règlement, à peine contre les greffiers d’interdiction, et de trois cent livres d’amende, moitié envers nous, et moitié aux nécessités des prisonniers, et de plus grande, s’il y échet ; et contre les geôliers et guichetiers de destitution, de trois cents livres d’amende, applicable comme dessus, et de punition corporelle.

art. 37.
Enjoignons aux juges d’informer des exactions, excès, violences, mauvais traitements et contravention à notre présent règlement, qui seront commis par les greffiers des geôles, les geôliers et guichetiers, dont la preuve sera complète, s’il y a six témoins, quoiqu’ils déposent chacun des faits singuliers, et séparés, et qu’ils y soient intéressés.

art. 38.
Les prisonniers mis dans des prisons empruntées, seront incessamment transférés.

art. 39.
Les baux à terme des prisons seigneuriales seront faits en présence de nos juges, chacun dans leur ressort, et ils en taxeront la redevance annuelle, qui ne pourra être excédée par les seigneurs, ni affermée à d’autres ; à peine de déchoir entièrement de leur haute-justice.