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Décret du 22 août 1887

Décret portant organisation du régime disciplinaire des relégués collectifs aux colonies

Le président de la République française [...] décrète :

Chapitre premier. Des punitions disciplinaires.

  • Article premier :
Les relégués collectifs maintenus dans les dépôts de préparation et dans les établissements de travail sont soumis aux règles de discipline suivantes.
  • Art. 2 : Sont punis disciplinairement les faits et actes ci-dessous :
Détention de toutes sommes d’argent ou valeurs quelconques; Inconvenances, insolences, insultes ou menaces envers un agent ou un fonctionnaire; Mutinerie et rébellion; Larcins; Paresse ou mauvaise volonté au travail; Refus d’obéir ou de travailler; Ivresse, rixe, coups et violences entre relégués; Lacération volontaire d’effets réglementaires; Actes d’immoralité; Jeu d’argent et généralement toutes infractions aux règlements;
  • Art. 3 : Les punitions disciplinaires infligées aux relégués sont les suivantes :
1° - Interdiction des suppléments de nourriture à la cantine; 2° - Privation d’une partie de salaire n’excédant pas le tiers du produit total du travail; 3° - Prison de nuit; 4° - Cellule; 5° - Cachot.
  • Art. 4 : Les punitions pour une même faute ne peuvent dépasser :
Un mois pour l’interdiction de la cantine; Un mois pour la réduction de salaire; Un mois pour la prison de nuit; Un mois pour la cellule; Quinze jours de cachot. En cas de nouvelle infraction dans les trois mois, ces punitions peuvent être doublées.
  • Art. 5 : Les relégués qui sont punis de cellule ou de cachot couchent sur un lit de camp/
Ils sont enfermés isolément. Ils sont autorisés à se promener dans un préau, une heure le matin et une heure le soir sous la conduite de surveillants. Ils sont autorisés à se promener dans un préau, une heure le matin et une heure le soir sous la conduite de surveillants. Ils sont chargés d’un travail dans l’intérieur de leur cellule d’après une tâche déterminée. Ils ne touchent pas de pécule disponible. Les jeux de toute sorte sont interdits. Ils peuvent être punis, en outre, d’une des peines suivantes : Suppression de salaire; Interdiction de recevoir des visites ou d'écrire, en dehors des conditions prévues par l’article 40 du décret du 25 novembre 1885.
  • Art. 6 : Les relégués punis de cellule sont mis au pain sec un jour sur trois; la punition de cachot entraîne la mise au pain sec deux jours sur trois. Dans ces deux cas, la ration de pain est augmentée s’il y a lieu.
  • Art. 7 : L’interdiction de supplément de nourriture à la cantine est infligée par les chefs de dépôts ou d'établissements de travail.
  • Art. 8 : La privation de salaire, la prison, la cellule ou le cachot sont infligés par la commission disciplinaire, sans préjudice des mesures nécessaires pour le bon ordre et la sûreté.
  • Art. 9 : Les surveillants, sauf les cas où ils remplissent les fonctions de chef de dépôt ou d'établissement de travail, ne peuvent prononcer aucune punition; ils se bornent à la demander par un rapport.
Pour les fautes graves et dans l’intérêt de l’ordre et de la discipline, les surveillants peuvent arrêter et mettre préventivement en prison les délinquants. Ils en informent immédiatement l’autorité supérieure.
  • Art. 10 : Toutes les punitions infligées aux relégués sont inscrites sur leur notice.
Un état indiquant le nom du relégué, les motifs, la nature et la durée des punitions est envoyé chaque mois au Ministre de la marine et des colonies.

Chapitre II. De la commission disciplinaire.

  • Art. 11 : Il est créé une commission disciplinaire dans chaque dépôt.
  • Art. 12 : La commission est présidée par le fonctionnaire chargé du commandement supérieur, assisté de deux fonctionnaires ou employés de l’Administration pénitentiaire désignés par le Directeur.
Un surveillant militaire remplit les fonctions de greffier. Tous procès-verbaux, rapports, plaintes ou dénonciations concernant un fait de nature à être déféré au prétoire sont transmis au président.
  • Art. 13 : Le relégué traduit devant la commission est préalablement informé du jour où il devra y comparaître.
Il lui est donné connaissance du motif pour lequel il est traduit et des dispositions du règlement qui lui sont applicables. Le président interroge le relégué sur les faits qui lui sont reprochés et entend les personnes qui pourraient fournir des renseignements utiles. Le relégué est admis à présenter en dernier lieu ses explications. La décision est prise à la majorité des voix.
  • Art. 14 : La police de séance appartient au président.
  • Art. 15 : La commission disciplinaire se réunit une fois au moins par semaine.
Elle statue sur les propositions de remise ou réduction de punition et sur la répression des infractions. Elle examine également les réclamations des relégués et donne son avis qui est transmis au Directeur de l’Administration pénitentiaire.

Chapitre III. Du quartier disciplinaire.

  • Art. 16 : Il est créé un quartier de punition où sont envoyés les incorrigibles des divers dépôts et chantiers de la relégation.
La désignation des relégués qui doivent être envoyés au quartier de punition est faite par la commission disciplinaire qui en fixe la durée, sans que celle-ci puisse être supérieure à quatre mois. Il est rendu compte au Directeur de l’Administration pénitentiaire. Le fonctionnaire chargé du commandement supérieur peut, avant l’accomplissement de la peine prononcée, ordonner le renvoi du relégué dans les dépôts ou les établissements de travail.
  • Art. 17 : À leur arrivée dans le quartier de punition, les relégués sont fouillés. Tout objet dont la possession n’est pas autorisée par les règlements est saisi. Ils sont répartis dans les prisons communes. Chaque prison est munie d’un lit de camp et de barres de justice.
  • Art. 18 : Le service de sûreté et de garde est confié à des surveillants placés sous l’autorité directe du chef du dépôt de préparation où se trouve le quartier de punition.
  • Art. 19 : Les relégués sont astreints au travail, mais à l’intérieur du quartier.
  • Art. 20 : Ils sont astreints au silence le jour et la nuit, pendant le travail comme pendant le repos.
Sont exceptées de la règle du silence les communications indispensables à l’occasion de leurs travaux ou du service.
  • Art. 21 : Les punitions infligées aux relégués dans les quartiers de punition sont les suivantes :
Privation de promenade de deux à huit jours; Cellule à boucle simple de deux jours à un mois; Cachot à double boucle de huit jours à un mois; Prolongation de séjour au quartier de quinze jours à un mois.
  • Art. 22 : Toutes ces punitions sont prononcées par la commission disciplinaire, il en est rendu immédiatement compte au Directeur de l’Administration pénitentiaire.

Chapitre IV. Dispositions générales.

  • Art. 23 : Les relégués placés, soit en cellule, soit au cachot, au quartier de punitions sont visités tous les quinze jours au moins par un médecin désigné par le Gouverneur, sans préjudice des visites que celui-ci peut confier aux magistrats, officiers ou fonctionnaires de divers ordres.
À la suite de chaque visite, un rapport est adressé au Gouverneur par l’intermédiaire du fonctionnaire chargé du commandement supérieur et du Directeur de l’Administration pénitentiaire.
  • Art. 24 : Les dispositions de détail sont réglées par des arrêtés du Gouverneur soumis à l’approbation du Ministre de la marine et des colonies.
  • Art. 25 : Le Ministre de la marine et des colonies est chargé de l’exécution du présent décret, qui sera insérée au Journal Officiel de la République française, au Bulletin des lois et au Bulletin officiel de l’administration des colonies.

Fait à Mont-sous-Faudrey, le 22 août 1887, Jules Grévy.

Par le Président de la République, le ministre de la marine et des colonies, E. Barbry.



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